Gustave COQUELLE

Jeudi 8 décembre 2022, 16h00 : depuis quelques jours, je me promène dans un champs labouré situé à quelques centaines de mètres à l’ouest de Cachy. Ancienne position alliée : en mars 1918, français et britanniques bloquent in extremis la fulgurante avancée allemande à Villers-Bretonneux. Beaucoup de matériel français et anglais en surface : cartouches, restes d’équipement et autres éclats d’obus.... Ce jour-là, un objet brillant attire mon attention :  une plaque matricule française !

De retour à la maison, nettoyage rapide et doux de la plaque car elle n’est plus en très bon état. Quelques inscriptions encore visibles : Gustave... 1912... 419...RRas... quelques instants de réflexion : ça pourrait être la plaque matricule d’un soldat français prénommé Gustave, recensé en 1912 peut-être à Arras, donc né en 1892, numéro matricule 419. Je tente ! J’interroge les recensements militaires sur le site des Archives Départementales du Pas-de-Calais, en renseignant le bureau d’Arras et le matricule 419. Ça matche tout de suite ! Il s’agit de la plaque matricule du maréchal des logis (dans les régiments à cheval, c’est l’équivalent du sergent dans l’infanterie) Gustave COQUELLE, né le 5 avril 1892 à Dury dans le Pas-de-Calais, du 5ème Régiment d’Afrique, disparu le 25 avril 1918, à l’ouest de Cachy au cours d’une mission de reconnaissance. 

 

Gustave Constant Albert COQUELLE est né le 5 avril 1892 à Dury, dans le Pas-de-Calais. C’est l’enfant naturel de Victoria, alors âgée de 24 ans.

 

En 1911, à 19 ans, il habite chez sa mère, au 2 rue du Pavé à Dury, avec sa sœur Marie (18 ans) et ses 3 frères (Constant 14 ans, Cyrille 12 ans et Albert 10 ans).

 

En 1913, Gustave a 21 ans. Suite au conseil de révision de son canton de Vitry, il est inscrit sous le numéro 49 de la liste du recensement, classé dans la première partie de la liste. Le 11 mars 1913, il est appelé sous les drapeaux. La loi Berteaux du 21 mars 1905, promulguée alors que Maurice Berteaux était ministre de la guerre, avait institué pour tous les Français, un service militaire personnel, égal et obligatoire. Cette loi supprimait le tirage au sort des conscrits et ramenait la durée du service de 5 ans auparavant, à 2 ans. Gustave préfère s'engager pour 5 ans dans le 5ème Régiment de Chasseurs d’Afrique, un régiment de cavalerie créé le 1er octobre 1887, et dont la devise est "Savoir,Vouloir".


Il quitte donc son village de Dury, ou il exerçait le métier de valet de charrue, pour se rendre à Alger.

L'Algérie était alors française.

Il arrive au 5ème RCA le 17 mars 1913 comme cavalier de 2ème classe. Voici son uniforme, avec le sabre :

 

  • Une chéchia en feutre rouge présentant à la base trois liserés noirs pour identifier les chasseurs d'Afrique, et ornée d'un cordon et d'un gland de coton bleu.
  • Un pantalon court rouge garance.
  • Une veste bleu clair, avec des parements jonquille au bas des manches, et des boutons en étain ; le collet est de couleur jonquille, avec une patte de collet portant le numéro 5 du régiment. La veste est rentrée dans le pantalon, avec une large ceinture garance par-dessus.
  • Des houseaux (jambières de cuir utilisées en équitation militaire) de basane (peau de mouton tannée) noire attachées sous le genou au bas du pantalon.

Il passe cavalier de 1ère classe le 28 mars 1914.


Le 2 aout 1914, la France déclare la guerre à l’Allemagne. Gustave est alors nommé brigadier (dans les armes montées, c’est l’équivalant du caporal dans l’infanterie). Le 5ème Régiment de Chasseurs d'Afrique partage ses escadrons entre le front Occidental et le front d’Orient, alors que les 2ème, 3ème et 6ème RCA effectuent toute la guerre en France. Départ par demi-régiment les 4 et 6 août 1914. Le régiment est rassemblé à Chimay le 16 août 1914. Gustave est affecté dans le 1er escadron sous les ordres du capitaine VALLEE.

Les 20 et 21 août, le régiment occupe les ponts de la Sambre au nord de Charleroi, du Châtelet à Tamine. C'est la retraite : il couvre l’arrière-garde de la 38ème Division d'Infanterie. Il est chargé de faire sauter les ponts sur l'Oise à La Fère.

La Marne. L'offensive est reprise. Le régiment effectue de nombreuses reconnaissances, se tenant en liaison avec le 36ème Corps d’Armée.

Le 13 septembre, il tient le plateau du moulin de Vauclerc jusqu'à l'arrivée de l'infanterie, puis va occuper le plateau de Paissy, d'où il est relevé.

Octobre. Le 5ème RCA est transporté en Belgique, et prend les tranchées au pont de Steenstraëte du 28 au 31 octobre.

Novembre. Jusqu'au 28 novembre, le régiment prend les tranchées dans les régions de Nordschoote et Reningen.


1915.

 Janvier. Le régiment est transporté en Argonne.

Mars, avril, mai, juin, juillet. Le régiment prend les tranchées à La Fontaine-aux-Charmes, au ravin du Mortier et

à Beaumanoir.

Le bel uniforme multicolore du Chasseur d’Afrique fait place à la tenue réglementaire moins visible. Après la bataille de la Marne, c’est l’infanterie qui est prioritaire pour recevoir la nouvelle tenue. Les unités de cavalerie ne perçoivent de nouveaux effets qu'au printemps 1915.

Sur le front occidental, ces cavaliers auront cependant peu d'occasions de combattre à cheval.

 

 

Le régiment est envoyé en Champagne, pour l'offensive du 25 septembre.

En novembre et décembre 1915, il prend les tranchées en Lorraine, aux environs de Celles-sur-Plaine.

 

1916.

En janvier, le 5ème Régiment de Chasseurs d'Afrique se trouve en Alsace.

En juin, il est scindé en deux groupes. Le 1er, celui de Gustave COQUELLE est affecté à la Division Marocaine, le second rattaché à la 76ème Division d'Infanterie. Le 1er groupe prend les tranchées à Ribécourt dans l’Oise.


1917.

En mars, le 1er groupe, rattaché à la 2ème Division d’Infanterie, prend le contact de l'ennemi dans le secteur Roye - Lassigny et assure la poursuite dans la direction de Ham. Il passe d'une Division d’Infanterie à une autre pour revenir à la disposition de la Division Marocaine.

A Verdun en Aout. Missions de liaisons et de police, sauf pour les sections de mitrailleuses qui prennent part aux opérations se déroulant dans la région.

Nous retrouvons le groupe, en octobre, dans les tranchées entre Flirey et Limey (Meurthe et Moselle), au sud du bois de Mort-Mare qu'il occupe jusqu'à la fin de l'année.


1918.

- Cantonnement de repos et d'instruction aux environs de Commercy, Toul :

16-17 février fête sportive à Vaucouleurs (Concours hippique, courses diverses)

20 février : halte au sud de Domrémy : visite de la basilique et de la maison de Jeanne d’Arc.

Le groupe est toujours à la disposition de la Division Marocaine.


Le 21 mars, l’attaque allemande pressentie se produit, brutale, irrésistible. Le front anglais de Saint-Quentin, submergé, livre passage au flot envahisseur. Il va s’agir de l’endiguer.

31 mars, le demi-régiment est embarqué pour la Somme. Mission de police, de reconnaissance, de liaison où les chasseurs ont surtout à souffrir d'intoxication par gaz.

Le 4 avril, il arrive à Conty. Il assiste à l’exode de tous les civils qui fuient devant l’ennemi, abandonnant tout plutôt que de rester entre ses mains. A 20h00, ordre est reçu de se porter à Rumigny (arrivée à 23:00). On fait des reconnaissances.


Enfin, le 24 avril, le groupe reçoit l’ordre de se porter à l’ouest de Boves. Gustave COQUELLE est nommé maréchal des logis (dans les armes montées, c’est l’équivalent du sergent de l’infanterie). Il est mis à disposition du 7ème Tirailleur comme agent de liaison.

Le 25 arrive l’ordre d’attaque pour le lendemain. La mise en place pour l’attaque se fait difficilement, à cause de l’obscurité complète de la nuit et de l’insuffisance des reconnaissances, qui, faute de temps, ont été trop sommaires.

En ligne se trouvent des troupes anglaises. Leur ligne avancée, constituée de petits postes, présente des trous dans lesquels, par endroits, des mitrailleuses ennemies se sont infiltrées…

L’ennemi lance de nombreuses fusées éclairantes. Il bat le plateau par des rafales de mitrailleuses et bombarde avec du 77 le terrain entre Gentelles et la route de Villers à Domart.

A 5:15, l’attaque est déclenchée dans un brouillard épais. Les compagnies d’assaut sont fauchées par les mitrailleuses allemandes. Une fraction des compagnies de soutien prend pied dans la corne nord du Bois de Hangard. Les Anglais, abordant le bois, sont fauchés à leur tour. D’autres bataillons français et anglais arrivent, et, rivalisant d’ardeur, nettoient presque entièrement le bois. Le brouillard est toujours très épais, le plateau est continuellement battu par des rafales nourries de mitrailleuses et par un tir violent de 105.

Le terrain conquis est organisé pendant la nuit, et, petit à petit, la position se transforme en secteur. Malgré les tirs de mitrailleuses et de gros calibres allemands, les tranchées se creusent, les hommes « se cramponnent au terrain ».


Le 26 avril 1918, le Journal de Marche et d’Opérations de l’Escadron E, Groupes 1 et 2 du 5ème Régiment de Chasseurs d’Afrique mentionnera que « Le maréchal des logis COQUELLE est porté disparu suite à une mission de reconnaissance ».

Citation n° 75 à l’ordre du Régiment : « Depuis le début des opérations, a fait montre des plus belles qualités de dévouement, d’énergie et de sang-froid. Toujours volontaire pour les missions dangereuses. »

 

  La Croix de Guerre avec étoile de bronze lui sera décernée.