Le 23 juillet 1916, les Britanniques décidèrent d’attaquer la seconde ligne de défense allemande, avec pour objectif la prise de Guillemont, depuis le Bois des Trônes "Longueval Alley", là où se trouve aujourd'hui Longueval road cemetery, mais ce fut un échec. D'autres assauts eurent lieu, le 30 juillet, puis le 7 août, avec les mêmes résultats négatifs, accentués par une météo désastreuse tout au long du mois d'août. Finalement, ce n'est que le 3 septembre que le village fut atteint avec les attaques de la 16ème division irlandaise et de la 20ème division britannique. Un village complètement détruit sous les bombardements.
Photo prise à Guillemont par les allemands et datée de 1914-1915. Il s'agit d'une ferme située face à l'église qu'ils ont transformée en "pionierpost", c'est-à-dire en poste de pionniers/dépôt pour matériaux de construction. En 1915, le secteur de guillemont est suffisamment calme pour leur permettre de fortifier le village et leurs tranchées, à grand renfort de planches de bois comme on peut le voir. Cette photo a été prise avant septembre 1915 car à cette date, les allemands ont fait sauter le clocher de l'église, prétextant, à juste titre, qu'il pourrait servir de repère pour l'artillerie ennemie.
Les Britanniques attaquent : extrait du film "La Dernière Tranchée"
A la fin du mois d'août 1916, alors que la bataille faisait rage et de nombreuses victimes, tant dans les rangs des Britanniques que dans ceux des Allemands, Ernst Jünger combattit à Guillemont et dans un chapitre justement intitulé "Guillemont" de son livre "Orages d'acier", il évoquait qu'à la suite des bombardements quotidiens, il ne restait plus rien du village et que sur la position qu'il défendait, les morts étaient empilés par couche, les uns au-dessus des autres. Comme pour tant d'autres villages détruits au cours de la Grande Guerre, en Picardie et ailleurs, Guillemont ne retrouva jamais la population qui était la sienne avant-guerre : de 333 habitants en 1911, ils n'étaient plus que 69 dix ans plus tard (moins de 150 de nos jours).
Alain Pouteau - Publié le samedi 1er octobre 2005 - Mis à jour le lundi 17 décembre 2018
Le 23 août, nous fûmes chargés sur des camions et amenés jusqu’au Mesnil. Bien que nous eussions déjà appris que nous serions mis en ligne au foyer légendaire de la bataille de la Somme, le village de Guillemont, le moral était excellent. Les blagues voltigeaient, accompagnées d’éclats de rires généraux, d’une auto à l’autre.
(…) du Mesnil, nous marchâmes sous le couvert de la nuit jusqu’à Sailly-Saillisel, où le bataillon fit halte dans une grande prairie pour se débarrasser de ses sacs et préparer le barda d’assaut. (…) Un coureur d’un régiment wurtembergeois se mit à mes ordres pour conduire ma section jusqu’au fameux bourg de Combles, où nous devions provisoirement nous tenir en réserve. Ce fut le premier soldat allemand que j’aie vu sous le casque d’acier, et il m’apparut aussitôt comme l’habitant d’un monde nouveau et plus dur. Assis près de lui dans le fossé, je l’interrogeais avidement sur la situation dans les tranchées, et j’obtins en réponse le récit monotone de jours qu’on passait accroupi dans les trous d’obus, sans liaison ni voies d’accès, d’attaques ininterrompues, de champs couverts de cadavres, et de soifs démentes, de blessés mourant de faim, d’autres encore. (…) « Quand on tombe, on y reste. Rien à faire. Personne ne sait s’il reviendra vivant. On a tous les jours une attaque, mais ils ne passent pas. Chacun sait que c’est une question de vie ou de mort. » (…) Nous arrivâmes enfin à la première ligne, tenue par des hommes accroupis et serrés l’un contre l’autre, dans les trous, et dont les voix sans timbre vibrèrent de joie lorsqu’ils apprirent que la relève était là. Un adjudant bavarois me passa en quelques mots le secteur et le pistolet signaleur.
Le secteur de ma section occupait l’aile droite de la position régimentaire et consistait en un chemin creux, de faible profondeur, aplati par les pilonnages, qui s’enfonçait en terrain découvert à quelques centaines de mètres sur la gauche de Guillemont, et un peu plus près à droite du bois des Trônes. (…) Quand vint l’aube, les environs inconnus se dévoilèrent peu à peu à nos yeux stupéfaits. Le chemin creux nous apparaissait maintenant comme une série d’énormes entonnoirs, remplis de lambeaux d’uniformes, d’armes et de morts ; à perte de vue, le terrain environnant était complètement retourné par des gros calibres. Pas un seul petit brin d’herbe auquel pût s’accrocher le regard.
Ce champ de bataille labouré était horrible. Les défenseurs morts gisaient pêle-mêle parmi les vivants. En creusant des trous pour nous terrer, nous nous aperçûmes qu’ils étaient empilés par couches les uns au-dessus des autres. Les compagnies qui avaient tenu bon sous le pilonnage avaient été fauchées l’une après l’autre, puis les cadavres avaient été ensevelis par les masses de terre que faisaient jaillir les obus, et la relève avait pris la place des morts. C’était maintenant notre tour. Le chemin creux et le terrain de derrière étaient couverts d’Allemands, le terrain de devant d’Anglais. Des bras, des jambes, des têtes dépassaient des talus ; devant nos terriers, nous vîmes des membres arrachés et des corps sur lesquels on avait parfois jeté, pour échapper au spectacle perpétuel des visages défigurés, des manteaux ou bien des bâches. Malgré la canicule, personne ne songeait à recouvrir les cadavres de terre.
Le village de Guillemont semblait avoir complètement disparu ; seule, une tâche blanchâtre parmi les entonnoirs signalait encore l’endroit où le calcaire de ses maisons avait été pilé. Devant nous, nous avions la gare, fracassée comme un jouet d’enfant, et plus loin derrière, le bois de Delville, haché en copeaux.
(…) Un homme de ma section m’appela et me fit braquer mes jumelles sur la gare de Guillemont, par-dessus la jambe d’un Anglais, arrachée du corps. Par un boyau peu profond, des centaines d’Anglais progressaient, sans beaucoup se soucier des faibles salves d’infanterie que je fis aussitôt diriger sur eux. Ils atteignirent la gare. Ce spectacle montrait bien la disproportion des moyens que nous jetions dans le combat. (…) Devant le secteur de la première section, avant la tombée du jour, deux ravitailleurs anglais apparurent : ils s’étaient égarés. Ils s’approchèrent le plus paisiblement du monde : l’un tenait à la main une grande gamelle ronde, l’autre un long bidon plein de thé. Tous deux furent abattus presque à bout portant ; l’un tomba avec le buste dans le chemin creux, tandis que ses jambes restaient accrochées au talus. Vers une heure du matin, Schmidt me secoua pour me tirer d’un sommeil troublé. Je bondis, agité, et attrapai mon fusil. La relève était là. Nous lui remîmes ce qu’il restait à remettre et tournâmes le dos aussi vite que possible à ce repaire du diable.
Guillemont pendant la 1ère Guerre Mondiale
(Traduction G. DIZAMBOURG/La Cagna d’Edouard)
LA BATAILLE DE GUILLEMONT UN COMBAT DE SOLDATS Où les combattants Britanniques mêlent stratégie et initiative personnelle pour la prise de la Ferme Faffémont. PRENDRE LES BOIS PAR SURPRISE Les Allemands, perplexes, courent en tous sens, alors que leurs adversaires foncent sur la ferme et l’encercle. Par Philip GIBBS. Dépêches du London Daily Chronicle. Télégramme spécial du New York Times Sur le champ de bataille avec l’Armée Britannique, 5 septembre. Ma dernière dépêche décrivait la prise de Wedge Wood et l’attaque de la Ferme Faffémont par la gauche, dans un moment d’excitante incertitude. Il m’était alors impossible de dire si nos hommes avaient pris possession de la ferme.
Actuellement tout est rentré dans l’ordre à cet endroit, et c’est encore un autre sinistre chapitre de cette guerre qui se termine avec la prise de 1000 yards de front ennemi sur une profondeur de 1500 yards, autour et y compris la Ferme Faffémont qui est maintenant tenue par les troupes Britanniques. De durs combats permirent de progresser, au cours desquels nos hommes furent livrés à eux même. Ces jeunes gens, originaires du Sud de l’Angleterre, n’étaient pas de ces marionnettes que l’on manipule au Quartier Général. L’ordre d’attaque donné, ce fut une bataille de soldats qui se déroula, et son succès en revient aux jeunes officiers, sous-officiers et hommes de troupe qui, de leur propre initiative, prenaient un autre chemin lorsque l’un des leurs tombait, organisaient leur propre tactique face à l’ennemi pour s’adapter à la situation du moment.Lorsque l’attaque de la Ferme Faffémont fut stoppée au sud par des tirs de mitrailleuses, les troupes Britanniques prirent par l’ouest, rejoignant d’autres troupes parties elles du chemin creux venant de Guillemont, rampant sur la pente qui monte vers le Bois de Leuze. A mi-montée, du côté extérieur de l’éperon, je vis deux tranchées en forme de V prises par les deux premières vagues, tout de suite après la prise de Wedge Wood. Nos hommes préparent une attaque surprise. Les hommes qui protégeaient le fond en bas du chemin creux voulurent frapper un grand coup. Il s’agissait de préparer une attaque surprise contre le côté ouest du Bois de Leuze pendant que l’attention des Allemands serait attirée par la défense de la Ferme Faffémont, à mi chemin en descendant vers le sud. C’était ce mouvement surprise qui avait causé toute la confusion à laquelle j’avais assisté hier dans les rangs des soldats allemands, sortant du haut du bois pour venir en aide à ceux qui tenaient la Ferme, leur brusque demi tour quand les mitrailleuses britanniques balayèrent le terrain, et leur course pour se mettre à couvert dans le bois en retournant sur leurs pas avec hésitation, sans savoir où aller quand ils entendaient les cris des troupes britanniques dans le coin de leur refuge.Du bon travail réalisé par les Britanniques peu de temps après la tombée de la nuit et pendant la nuit, en dépit d’une pluie diluvienne, alors que l’artillerie allemande bombardait de façon plus intensive sans pouvoir desserrer l’étau ainsi mis en place au coin du bois, de peur que leurs tirs ne massacrent leur propre infanterie. A l’aube, d’autres troupes avaient rejoint celles qui tenaient l’éperon et atteignaient le nord de la Ferme Faffémont, d’autres encore s’étaient approchées de la Ferme par le sud et l’ouest par le chemin de Wedge Wood. Se rendre ou mourir. Entre quelques poteaux noircis et quelques arbres encore debout, une soixantaine d’allemands tenaient leur position dans des cratères d’obus et des abris détruits. Quand l’assaut britannique final se produisit, de trois côtés à la fois, ils n’eurent pas d’autre choix que de mourir sur place ou se rendre. Quelques uns moururent, d’autres tombèrent blessés ou inconscients, mais bon nombre d’entre eux se rendirent.Je pense qu’on n’a pas suffisamment réalisé l’importance de l’avancée britannique au cours des deux derniers jours de la bataille. La capture de Guillemont et de la zone au-delà du village nous a permis de conquérir la totalité de la seconde ligne allemande qui avait commencé à céder à partir du 14 juillet. Depuis lors, les Britanniques avaient toujours du combattre sur un terrain en pente, une longue lutte pour s’emparer et tenir la crête à l’est de Pozières. Il fut difficile de tenir et les pertes furent lourdes. Un héroïsme des plus merveilleux fut déployé sur chaque pente, chaque bois, durant chaque assaut vers des tranchées dominantes, à un niveau jamais encore atteint par les soldats britanniques au cours de leurs perpétuels efforts. Maintenant qu’ils ont atteint le sommet de la crête et même si l’offensive britannique est aujourd’hui au point mort, la situation de nos soldats pour l’hiver et bien meilleure que celle des allemands de l’autre côté de la ligne de front. Là encore, la prise de Guillemont et du terrain jusqu’à Ginchy a protégé notre flanc droit et nous a permis de contourner un saillant gênant. Possédant Ginchy d’un côté et Thiepval de l’autre, les Britanniques devraient être bien placés et cela représente donc une grande victoire face à tous les sacrifices réalisés en combattant toujours plus durement et toujours plus loin et avec toujours plus de courage.
(Traduction G. DIZAMBOURG/La Cagna d’Edouard)
PRISE DE GUILLEMONT PAR LES IRLANDAIS APRES UN ASSAUT HEROIQUE C’est en criant et accompagnés de leurs cornemuses qu’ils se sont rués dans le village et en ont chassé les Allemands. LES ANGLAIS DEVAIENT TENIR BON. Un sergent blessé fait quatre prisonniers et les oblige à l’aider à rejoindre le poste de secours. Par Philip GIBBS Dépêche du London Daily Chronicle Télégramme spécial du New York Times EN DIRECT DU FRONT AVEC L’ARMEE BRITANIQUE, Samedi 9 septembre. La première annonce de troupes anglaises combattant à Guillemont a été officiellement faite et il est maintenant possible d’entrer dans les détails. Leur assaut sur Guillemont dimanche dernier, appuyé sur leur droite par les bataillons de fantassins Anglais fut l’un des faits d’armes les plus étonnant de la guerre, presque trop rapide dans son impétuosité. Elles ont progressé au son de leurs cornemuses qui les entrainèrent dans une charge héroïque et irrésistible. Le fait que les Allemands soient trois fois plus nombreux qu’eux ne les a pas empêchés de n’être stoppés qu’après avoir atteint la partie nord des ruines désolées de ce qui fut auparavant un village. Les troupes anglaises qui combattirent avec eux m’ont avoué n’avoir jamais vu monter à l’assaut comme l’ont fait les Irlandais. « C’était comme une avalanche d’êtres humains » m’a dit l’un d’eux. Les officiers encourageaient leurs hommes lorsqu’ils passaient à côté d’eux. Un de leur commandants, suivant la dernière vague, ramassait des morceaux de craie qu’il lançait sur ses hommes en leur souhaitant bonne chance. Ils prirent d’assaut les première, seconde et troisième lignes allemandes jusqu’à la partie haute du village, balayant toute résistance et sans s’arrêter pour reprendre leur souffle. La mort ne leur faisait pas peur, malgré tous les morts qu’ils laissaient derrière eux. Après des mois d’ennui et de combats acharnés dans les tranchées, ils étaient excités à l’idée de s’élancer dehors et de ses retrouver face à face avec les Allemands. La seule erreur commise lors de la bataille de Guillemont fut que leur avancée trop rapide ne leur permis pas de protéger leurs arrières, erreur due à leur magnifique bravoure, et aucune aide ne vint.
Les fantassins anglais qui combattaient à leur droite étaient plus sérieux dans la façon de faire le travail, mais ils furent si enthousiasmés à la vue de l’assaut des Irlandais et par le son de leurs cornemuses, que ceux qui étaient en soutien avec pour ordre de rester et de tenir la première ligne allemande eurent du mal à ne pas en faire autant. « J’en aurais presque « Les troupes anglaises effectuèrent un mouvement d’enveloppement vers le sud-ouest du village et rencontrèrent plus de résistance entre deux chemins creux. Dans le second chemin creux, où les Allemands avaient fortifié une série d’abris, le sol était recouvert d’une couche de cadavres empilés, mais depuis les tranchées, un grand nombre d’hommes vaillants qui avaient enjambé le parapet maintenait un feu nourri. Au même moment, des tirs de mitrailleuses descendaient de Ginchy et d’autres montaient de la ferme Faffémont. Il fut difficile de couvrir le terrain, mais les fantassins anglais ignoraient les balles et les bombes et avançaient droit devant eux, s’arrêtant seulement pour tirer, repartant, puis tirant à nouveau, comme à l’entrainement. Plusieurs mitrailleurs Lewis prirent position et arrosèrent de balles le parapet allemand. Les Allemands déguerpirent rapidement, poursuivis par les Anglais. Il y avait 150 cadavres dans un endroit du chemin creux, et les abris étaient surpeuplés. Une bombe fumigène fut lancée dans l’un deux pour en faire sortir ses occupants, mais aucun ne s’y résolu. Finalement, on balança une grenade à main dedans, qui fut renvoyée au dehors avant qu’elle n’explose. Finalement les Allemands s’enfuirent par un tunnel et sortirent par une autre issue où ils furent faits prisonniers. Vingt cinq d’entre eux furent laissés dans un cratère d’obus, sous la garde d’un seul petit fantassin qui tapotait sur un casque allemand avec sa baïonnette, au dessus de sa tête, ………………. Dans un autre abri, on découvrit 41 corps, dont 3 seulement étaient encore vivants et pleuraient. Tous les prisonniers, environ 800, étaient dans un état si lamentable que les artilleurs Anglais ne purent s’empêcher de leur donner des rations pour 3 jours. Leur cerveau était broyé et ils tremblaient de peur. Dans les abris plus en arrière se trouvaient trois officiers, dont l’un d’eux, un jeune capitaine, avait manifestement sous ses ordres toute la garnison de Guillemont. Il était le seul à montrer une arrogante indifférence. Lors de sa capture, il se tenait droit et immobile, ………………… Ses deux officiers, cramponnés au cou des officiers britanniques, imploraient la pitié. Ailleurs, un officier tomba à genoux, les mains jointes en position de prière, tête basse. Un autre sortit une photographie de sa femme et de ses enfants, la montrant bien haut en suppliant qu’on lui laisse la vie sauve. Un sergent britannique, blessé à la hanche par un éclat d’obus, avait à lui seul capturé quatre hommes, et les avait obligés à le ramener sur une civière jusqu’au poste de secours ou il arriva, fumant une cigarette, avec ses prisonniers-brancardiers. Sur les 2000 hommes que comptait la garnison allemande, seulement un s’échappa. Deux bataillons allemands avaient été anéantis. Parmi eux se trouvaient des hommes qui portaient le mot « Gibraltar » brodé sur leurs épaulettes, et qui appartenaient au célèbre Régiment d’Hanovre qui avait combattu au XVIII ème siècle sur le Rocher de Gibraltar aux côtés des Britanniques.